Tu t’es déjà retrouvé totalement absorbé par un niveau de jeu vidéo ? Tu sais, ce moment où tout semble fluide : les ennemis apparaissent « comme par hasard » au bon moment, les objets sont placés pile là où tu en as besoin et chaque détour t’amène vers une nouvelle découverte. Et bien ce sentiment d’immersion, c’est le fruit du travail d’un level designer. C’est un métier encore peu connu du grand public, et d’ailleurs souvent confondu avec celui de game designer. Et pourtant, il est essentiel dans la création d’un jeu vidéo. Alors en bref, zoom sur les coulisses du job de level designer !
Level designer (c’est quoi au juste) ?
Contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, le level designer ne se contente pas de « dessiner » les niveaux d’un jeu. Il les conçoit, les structure, les teste et les peaufine dans les moindres détails. En gros, c’est l’architecte de l’expérience de jeu. Il va imaginer la manière dont le joueur va progresser dans l’espace, comment il va découvrir les mécaniques, résoudre des énigmes, affronter des ennemis ou simplement se balader.
Dans un FPS par exemple, c’est lui qui décide si tu trouveras un point de couverture à temps ou si tu te retrouves piégé. Dans un jeu de plateforme, c’est lui qui calcule la hauteur des sauts, l’espacement entre deux plateformes et le moment où tu vas galérer juste ce qu’il faut. Quant à l’open world, c’est lui qui rythme les découvertes pour que l’envie d’explorer ne s’épuise jamais.
Bref, le level designer façonne le terrain de jeu, mais surtout, il tisse l’expérience du joueur. Il va jouer avec ta curiosité, ta frustration, ton sens de l’orientation… et tu ne t’en rends même pas compte.
Quelles sont les missions du level designer ?
Le travail d’un level designer commence bien avant le moment où il ouvre son logiciel de création. Et généralement, tout part d’un brief. Le game designer va poser les règles du jeu, les mécaniques et les objectifs globaux. À partir de là, le va créer des niveaux qui non seulement respectent ces contraintes, mais les mettent en valeur.
Il commence donc par réfléchir au flow du niveau : comment le joueur va-t-il évoluer ? Où va-t-il commencer ? Où doit-il aller ? Quelles émotions doit-il ressentir à chaque étape ? Suspense ? Détente ? Peur ? Satisfaction ?
Ensuite, il dessine parfois sur papier, parfois directement en 3D. Il place des blocs simples, teste des parcours, simule des séquences. À cette étape, on parle souvent de “blockout” ou de “greyboxing”. Ici, on se fiche clairement de l’esthétique, l’important c’est que ça fonctionne. Pour faire une comparaison, on pourrait dire que c’est l’équivalent d’un storyboard, mais pour des espaces interactifs.
Puis vient la phase de test. Et crois-moi, un bon level designer passe autant de temps à jouer à ses propres niveaux qu’à les créer. Il observe, il ajuste, il corrige. Il va même inviter d’autres testeurs pour avoir des retours et éliminer ce qu’on appelle les “frustrations non souhaitées”. Ce qui fait clairement la différence entre un jeu moyen et jeu AAA !
Dans certains studios, il travaille aussi en étroite collaboration avec le narrative designer. Ensemble, ils pensent les décors comme des supports de narration environnementale. Une maison en ruine, une affiche déchirée, une trace de sang sur le mur… Tous ces éléments racontent une histoire subtile que l’œil va capter pour construire une trame narrative. Bref, le level designer n’écrit pas le scénario, mais il le met en scène.
Quels logiciels utilise-t-on quand on est level designer ?
Le choix des outils dépend évidemment du moteur de jeu utilisé par le studio. Et bien évidemment, certains logiciels reviennent très souvent dans la boîte à outils du level designer.
Parmi les incontournables, il faut bien sûr citer Unity et Unreal Engine. Ce sont les deux moteurs de jeu les plus populaires dans l’industrie, et ils proposent tous les deux des éditeurs de niveau très puissants. Le level designer y place ses volumes, ses objets, ses collisions, et parfois les scripts d’événements (lorsqu’un joueur ouvre une porte, par exemple).
Pour le blocking et la création rapide de géométrie, des logiciels comme ProBuilder (dans Unity) ou les outils BSP d’Unreal sont souvent utilisés. Certains préfèrent même passer par Blender pour modéliser rapidement des volumes simples.
Quand il faut intégrer de la narration ou des mécaniques plus complexes, il peut aussi manipuler des systèmes de blueprint visuel (comme dans Unreal Engine) ou des nœuds de logique (comme dans Godot). Et bien sûr, pour collaborer avec les équipes artistiques, des outils comme Photoshop, Figma ou Miro peuvent entrer en jeu pour les plans, les moodboards ou les schémas de navigation.
Quel est le salaire d’un level designer ?
Le salaire d’un level designer dépend beaucoup du studio dans lequel il évolue, de sa localisation et de son expérience. En début de carrière, surtout dans les studios indépendants, on peut tabler sur un salaire brut mensuel tournant autour de 2 000 à 2 300 euros.
Mais avec quelques années d’expérience, et surtout si tu décroches un poste dans un studio AAA (Ubisoft, Arkane, Naughty Dog…), le salaire grimpe rapidement. On parle alors de 3 000 à 3 800 euros mensuels en moyenne. Et pour les seniors ou les leads, on dépasse parfois les 4 500 euros, notamment dans les grandes métropoles ou à l’international.
Ce n’est pas forcément le métier le plus rémunérateur de l’industrie, mais c’est un rôle clé dans les productions.
Quelles compétences pour devenir level designer ?
La première compétence du level designer, c’est sa capacité à penser l’espace comme une mécanique. Il ne s’agit pas simplement de créer un joli décor, mais de concevoir un environnement qui fait sens pour provoquer une expérience précise. Il doit donc avoir une bonne culture du gameplay, comprendre les ressorts du game design et savoir les traduire dans l’espace.
Mais il lui faut aussi de la logique. Le level designer assemble des éléments, des contraintes, des règles et il s’assure que tout fonctionne ensemble. Au-delà de la logique, il lui faut aussi une sensibilité artistique. Un bon level designer ressent le rythme d’un niveau et sait doser les montées de tension, les respirations ou les surprises.
Enfin, il doit aussi aimer travailler en équipe. Le level designer collabore avec les game designers, les programmeurs, les artistes, les animateurs… Bref, il est au cœur du processus et doit être à l’écoute pour savoir défendre ses idées, mais aussi faire preuve de souplesse.
Quelle formation pour devenir level designer ?
Il existe aujourd’hui de nombreuses écoles de jeu vidéo en France qui proposent des cursus spécialisés ou des modules en level design. On peut citer l’ENJMIN, Rubika, Isart Digital, ArtFX, les Gobelins… Ces écoles proposent souvent des bachelors en game design avec une spécialisation level design en 3e ou 4e année.
Mais le métier est aussi accessible aux autodidactes. Il existe de nombreux tutos, formations en ligne, game jams et outils gratuits pour se former chez soi. L’important dans ce métier, c’est le showreel. Ce que les studios veulent voir, ce sont tes niveaux jouables, tes idées mises en forme et ton sens du détail.
En résumé, être level designer, c’est faire de l’architecture invisible. C’est créer des parcours, des émotions, des défis en pensant comme un joueur, mais en agissant comme un créateur. Si tu es curieux, rigoureux, sensible au rythme et amoureux des mécaniques de jeu, alors ce métier est peut-être ta voie !